Les femmes qui ont marqué l’histoire de Madagascar
La place de la femme dans la société ? Doit-on même se poser la question si elle doit être égale à l’homme ou pas ? Mérite-t-elle d’être mieux valorisée ? Dans l’histoire de Madagascar, peu de noms de femmes malgaches ont été retenus, mais elles ont changé à jamais la face du pays ! Faisons un peu connaissance avec elles !
Les femmes qui ont marqué des lieux touristiques de la Grande île
Ravolahanta
Il n’est pas facile de renoncer à la fortune et une place sociale privilégiée, mais Ravolahanta l’a fait au nom de l’amour. Son nom, associé à celui de son amant maudit Rabeniomby, sera à jamais retenu, aussi longtemps que le lac Tritriva (Antsirabe) existera. L’histoire tragique des deux amants est classique, mais est parmi celles que l’on aime perpétuer : une fille de noble et un garçon gardien de troupeau de zébus qui se suicident à cause d’un amour impossible !
Rangorivao et Andrenikina
Autre histoire d’amour tragique, mais d’un tout autre type : celle de Rangorivao ! Son destin est aussi lié à un lac, le lac d’Andraikiba. Comme l’on peut s’y attendre, elle y a péri, mais seule, au cours d’une course contre sa rivale, à l’issue de laquelle la gagnante repartirait avec le mari. Comme elle s’est noyée, le lac fut nommé « Andrenikina ». L’histoire est triste et réductrice, mais nous rappelle que toutes les femmes (surtout mères) méritent de vivre une bonne fortune et d’être heureuses.
Rasoabe et Rasoamasay
Une histoire de plus, impliquant un lac et deux femmes : celle de Rasoabe et Rasoamasay, les femmes du géant Darafify. Selon la légende, l’emplacement des étendues d’eau était un don du géant à ses femmes et était destiné à la culture de riz. Celui-ci y noya les deux épouses lorsqu’il découvrit qu’elles lui furent infidèles en son absence. Leurs âmes auraient alors construit des villages avec leurs esclaves au fond des lacs. Les bords du lac Rasoabe accueillent aujourd’hui un charmant village balnéaire, Manambato à 11kms de Brickaville, dans le voyage à l’Est, Andasibe, le canal des pangalanes et l’île Sainte Marie.
Les reines qui ont marqué l’inconscient collectif
Ranavalona Ire
Ranavalona Ire est considérée comme la plus grande reine du royaume de Madagascar en raison de son fort caractère, son autorité et ses accomplissements. À la mort de son mari en 1828, le grand roi unificateur du royaume, Radama Ier, elle accéda au pouvoir et le conserva jusqu’à sa mort en 1861. C’était une reine très austère, voire cruelle qui n’avait aucune pitié pour ceux qui bravaient ses lois. Elle était très hostile à l’égard des influences étrangères et très conservatrice quant à la tradition malgache. Elle interdit la propagation religieuse et privilégia l’éducation. Elle modernisa beaucoup le pays, particulièrement la capitale grâce à diverses industries (armement, fonderie, ferronnerie, charpenterie, faïencerie, papeterie, savonnerie…). Elle accomplit tout ceci avec l’aide du Français, Jean-Laborde, également son amant.
Rasoherina
Après la mort de Ranavalona Manjaka, son fils Ramada II accéda au trône, mais celui-ci fit tout le contraire de sa mère, donnant beaucoup de liberté et de faveurs aux étrangers (surtout les Français), tout en s’adonnant à la beuverie. Il finit par être assassiné par des nobles et des hova (gens du commun). Ceux-ci approchèrent la princesse Rabodo (nièce de Ranavalona Ire) et leur proposèrent le trône sous certaines conditions. Elle devint alors Rasoherina et épousa le hova Rainivoninahitriniony. Les hova eurent alors beaucoup d’influences, tirant les ficelles du pouvoir. En peu de temps, Rainilaiarivony évinça son frère aîné et prit sa place en tant que Premier ministre et mari de la reine. Il épousa d’ailleurs les deux prochaines et dernières reines du royaume. Rasoherina n’était pour certains qu’un pantin et pour d’autres une reine sage et déterminée. Dans tous les cas, on associe aujourd’hui son nom aux femmes de caractère que les autres considèrent comme méchantes, presque synonyme de mégère. Les gens l’ont peut-être confondu avec Ranavalona Ire.
Ranavalona II
À la mort de Rasoherina en 1868, sa cousine, Ranavalona II devint reine et bouscula à son tour les mœurs, abandonnant entre autres les croyances religieuses ancestrales, jadis fondement du pouvoir politique. Elle autorisa l’utilisation de la brique et de la pierre dans les constructions de maisons et d’édifices, alors que ces matériaux considérés comme morts étaient fady (tabous, interdits) et étaient seulement destinés aux tombeaux ! C’est à son époque que le rova de Manjakamiadana fut rebâti en pierre. Cette fervente chrétienne (de confession protestante) mit tout en œuvre pour l’évangélisation et l’éducation du pays. Elle publia d’ailleurs un décret rendant obligatoire l’éducation des jeunes, y compris des jeunes filles, jusqu’à l’âge de quatorze ans. L’éducation s’entendit jusqu’aux contrées où les missionnaires de la L.M.S pouvaient se rendre, notamment dans la région du peuple Betsileo de Fianarantsoa.
Ranavalona III
La dernière reine du royaume malgache (1883-1896) vit la colonisation progressive du pays et l’abolition de la monarchie. Après Ranavalona Ire, la politique d’européanisation modérée donna l’élan nécessaire à la France pour envahir le pays. Rainilaiarivony fut exilé à Alger en 1896 et mourut l’année suivante, année à laquelle la reine fut à son tour exilée sur l’île de la Réunion. Elle finit par partir pour Alger, mais elle ne put jamais retourner dans sa patrie sauf entre quatre planches, 21 ans après sa mort le 31 octobre 1938.
La Reine Rasalimo
N’oublions pas la reine Rasalimo, fille du roi Ramitraho et descendante des fondateurs des royaumes sakalava. Lors de sa quête d’unification du royaume en 1822, Radama I fit la rencontre de la princesse Rasalimo qui résonna le souverain et proposa de l’épouser pour arrêter la guerre. C’est une véritable héroïne pour son peuple, devenant presque la souveraine du pays. On dit que Radama et Rasalimo s’aimèrent réellement. Ils eurent une fille, Raketaka (1824-1866) qui devait accéder au trône, mais fut empêchée par des intrigues de palais. Aujourd’hui, un hôtel à Miandrivazo a été nommé en l’honneur de cette reine. On y fait escale lors d’une navigation sur la Tsiribihina et immersion au royaume des Baobabs, de Morondava à Tuléar.
Les femmes qui ont marqué la politique et la société
Gisèle Rabesahala
Certaines femmes malgaches ne connaissent peut-être pas Gisèle Rabesahala (1929-2011), alors qu’il s’agit d’une grande figure politique, notamment la première femme ministre du pays, en 1977, sous le mandat du président Didier Ratsiraka. Elle a consacré sa vie à l’indépendance de son pays, aux droits humains, à la liberté des peuples et au progrès humain. Comme son père était sous-officier de l’armée française, elle grandit entre la France, la Tunisie et le Soudan français (devenu le Mali) au gré des affectations de celui-ci. À la mort de ce dernier en 1942, elle retourne au pays pour accomplir une destinée exceptionnelle : secrétaire sténodactylo pour le MDRM en 1946, fondateur du parti politique l’Union du peuple malgache et conseillère municipale en 1956, ministre de l’Art révolutionnaire et de la Culture en 1977, vice-présidente du Sénat en 1997. Toutes ces postes sont une première fois pour une femme. Elle meurt le 27 juin 2011.
Michèle Rakotoson
Si l’on doit citer le nom d’une ambassadrice de la culture malgache, on nommerait probablement le nom de Michèle Rakotoson. Cette écrivaine, dramaturge et journaliste malgache a pu faire découvrir au monde francophone les traditions malgaches, la culture et la nature à travers ces œuvres : la tradition des Famadihana et du fitampoha (retournement des morts) dans Le Bain des reliques (1988), les paysages du pays dans Lalana (2002)… Son parcours est exceptionnel : professeur de lettres malgaches, journaliste à la radio (RFI et France Culture) et à la télévision (RFO), responsable des manifestations littéraires à Radio France internationale, lauréate de la Grande médaille de la francophonie (2012). Une rue porte même son nom dans le quartier de Grand Clos, à Caudebec-lès-Elbeuf, en Haute-Normandie. Elle est également la cofondatrice du « Projet Slam Jazz » (Slamjazz Projekt), une nouvelle forme d’art associant le poème improvisé (Slam) à la musique improvisée (Jazz).
Le public peut découvrir La Madagascar retrouvée de Michèle RAKOTOSON dans l’émission Invitation Au Voyage, un reportage d’ARTE qui lui est consacré. Nous avons d’ailleurs eu le privilège d’accompagner le tournage en 2019.
Les femmes d’aujourd’hui
Sur plus d’une vingtaine de postes au Gouvernement, seulement 8 sont occupés par des femmes, et ce sont bien sûr des postes que les hommes considèrent comme adaptés. Il serait impensable pour eux de nommer une femme ministre de l’Intérieur par exemple ou ministre de la Sécurité publique, etc.
– Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Fonction publique et des Lois sociales : Gisèle Ranampy
– Ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement technique et professionnel : Rijasoa Josoalasisambatra Andriamanana
– Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Élia Béatrice Assoumacou
– Ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat : Lantosoa Rakotomalala
– Ministre de l’Environnement et du Développement durable : Baomiavotse Vahinala Raharinirina
– Ministre de la Communication et de la Culture : Lalatiana Andriatongarivo Rakotondrazafy
– Ministre de l’Eau, de l’assainissement et de l’hygiène : Voahary Rakotovelomanantsoa
– Ministre de la Population, de la Protection sociale et de la promotion de la femme : Irmah Lucien Naharimamy
Les femmes malgaches agissent déjà pour se démarquer, accomplir des choses exceptionnelles pour changer les choses, participer au développement du pays, et se montrer incontournable, prouver leur indispensabilité et améliorer leur statut ! Grâce aux efforts et aux accomplissements de jeunes politiciennes, journalistes, scientifiques et entrepreneuses, etc., l’histoire retiendra beaucoup plus de noms de femmes !